La donnée en 2022 : quels sont les vrais enjeux de son exploitation ?

La donnée en 2022 : quels sont les vrais enjeux de son exploitation ?

Retour sur la table ronde CDO avec Toucan Toco

La donnée est partout dans nos organisations ! Pour répondre à cet enjeu, ces dernières années ont vu l’apparition d’un nouveau poste, dédié à la data intelligence: Responsable de la Donnée, souvent appelé, par son acronyme anglais CDO – Chief Data Officer. Au delà du titre, on perçoit une grande diversité de profils et d’enjeux sous-jacents, souvent liés à des contextes métiers et organisationnels très variés. Réunissant 7 CDO, venus d’univers très différents (Vincent Chalmel, CDO d’EXPLORE, Camille BLANC, Responsable du Domaine Data Innovations BPIFRANCE, David-Stéphane FALA, Group Data Officer ALLIANZ PARTNERS, Matthieu OLIVIER, Chief Data Officer LA BANQUE POSTALE, Thomas JOUANNY, Chief Data Officer DATANEO), l’éditeur Toucan Toco a organisé le 19 mai dernier une table ronde sur le thème : « La donnée en 2022 : quels sont les vrais enjeux de son exploitation ? ».
Retour sur les principaux enseignements de ce passionnant moment d’échange.

Qu’est-ce qu’un CDO ? Quel rôle dans l’entreprise ?

« Il y a autant de CDO qu’il y a d’hommes et de femmes qui assurent cette fonction ; tout dépend de sa trajectoire personnelle et de son background (Conseil, Banque, Actuariat, Industrie, Commerce…). Chacun voit un peu différemment son métier en fonction de son parcours, de sa formation initiale et de son univers, de fait la réponse sera différente selon l’environnement métier dans lequel on se positionne. »

Ainsi, dans l’univers bancaire et assurantiel, « le CDO, c’était d’abord une personne qui permettait de cocher les cases à la demande du régulateur, en mode « est-ce que vous maîtrisez vos données » ? Le but du régulateur, c’est d’éviter le risque systémique, on s’assure donc que les assureurs et les banquiers maîtrisent leurs données, le CDO avait pour premier objectif d’assurer cette fonction en réponse à cette demande ; c’est seulement dans un deuxième temps qu’on s’est rendu compte que, partant de cette maîtrise, cette connaissance de la donnée, le CDO pouvait apporter davantage de valeur à la donnée pour aller vers de nouveaux sujets tels que la connaissance client, la maîtrise du risque… ».

Autre son de cloche côté Data provider, dont le métier consiste essentiellement à vendre de l’information, et donc de la fiabiliser et d’en imaginer les cas d’usage : « Avec les équipes commerciales, on va devoir définir quel produit on construit, comment on organise la donnée pour ensuite la vendre à nos clients. Le rôle du CDO, c’est de limiter le nombre d’itérations avec le client, d’aller droit au but et de savoir comment vendre ces données une fois valorisées. »

Quelle stratégie pour gérer la donnée en 2022 ?

Chez BPIfrance, la stratégie est résolument Data Centric, comme en témoigne Camille Blanc : « Hier, on avait beaucoup de directions métiers et des bases de données qui servaient à leurs usages de façon totalement silotée, et rien ne permettait de mutualiser ces données. Une stratégie data centric vient casser tout ça et mettre en place une vraie stratégie de mutualisation. On a ainsi créé des « comptoirs de données », terme marketing pour désigner les différents tiroirs dont on dispose dans notre grande armoire à data, on aura donc un comptoir de données externes, un comptoir orienté risques, investissements… On centralise ces différentes catégories de données pour correspondre à des usages, soit quand il faut entraîner de l’IA, soit par exemple à travers des dataviz, on va vraiment permettre une customisation complète dans la réponse. » Une fois centralisées, ces données « nous permettent de mieux connaître l’écosystème de nos clients et de créer des synergies entre les cas d’usage, ce qui permet tout simplement de développer le business, de faire de la prospection. Parallèlement, il s’agit de mettre en place une gouvernance et une stratégie de mise en qualité des données. On a besoin de la collaboration très forte côté métier, de chaque acteur de la banque, pour tout simplement remonter les données dans nos systèmes pour toujours avoir une meilleure connaissance de notre écosystème. »

Chez EXPLORE, la question centrale est de passer de la matière première à une information exploitable. « On est passé d’un point de vue très technique de base de données à des référentiels permettant d’adresser plus facilement des usages opérationnels, comme par exemple de disposer de toute l’information sur une entreprise sans avoir à interroger 3 bases distinctes, rejointer les données pour parvenir à disposer d’une vision consolidée. On a donc construit plusieurs référentiels :  un référentiel sémantique pour indexer les articles, un référentiel géographique pour les data orientées immobilier et territoires, une base Graph pour modéliser les relations entre entités… Et c’est vrai bien sûr aussi à l’échelle du Groupe EXPLORE puisqu’on a acquis un certain nombre d’entreprises dont la caractéristique commune est de produire des données ; il faut donc avoir la capacité d’harmoniser tout cela : les référentiels, les usages et avoir une documentation commune. »

Quel est le rôle du passage au cloud dans les nouvelles architectures pour gérer la donnée ?

Pour les organisations actives dans le périmètre de la banque assurance, la question du cloud souverain est critique. « Avec toute la réglementation bancaire qui s’impose à nous, sortir des données dans le cloud c’est compliqué, on se pose en permanence la question de quelles données va-t-on pouvoir sortir, quelles sont les données critiques, confidentielles… Sachant que la plupart des applicatifs bancaires sont installés on premise -dans les locaux. La réalité du terrain, c’est que la plupart de nos applications sont très vieilles et qu’elles ont été réalisées sur d’anciennes technos. Le coût de migration de ces technos pour aller vers le cloud est prohibitif ; on va rester encore longtemps avec des architectures hybrides. »  Une position que partage Vincent Chalmel, pour d’autres motifs : « Il y a des zones d’ombre par rapport à la tarification, ce qui rend compliqué la maîtrise de nos coûts. On est aujourd’hui beaucoup plus sur une recherche de rationalité, nécessitant d’arbitrer entre ce qu’on peut opérer sur le cloud, et de rapatrier on premise ce qui doit l’être ».

Exploitation de la donnée : le mythe d’un outil unique pour tous ces sujets data est-il toujours d’actualité ?

Il est difficile de répondre de façon unique à cette question sans tenir compte du contexte ; Camille Blanc résume : « Tout dépend de la taille de la structure et des moyens disponibles ; pour une start-up ça pourrait être intéressant, puisqu’elle aura moins de moyens que BPI qui aura intérêt à prendre le meilleur de chaque composant. Pourquoi devrait-on se limiter à un seul outil de dataviz pour des questions de reporting, alors qu’on peut avoir des objectifs très différents ; si c’est un objectif de communication, on aura envie de faire un très beau dashboard, on peut aussi avoir besoin d’industrialiser très vite des reporting réglementaires de façon très moche, mais on s’en fiche parce que ce n’est pas le sujet et ça ce sera un autre outil ! On a tellement d’usage divers et variés qu’on a une multitude de solutions qui peuvent répondre de façons différentes à des besoins multiples. »

La bonne pratique qui a fait la différence dans l’usage de la donnée

  • Le besoin métier avant la data : « Il s’agit d’abord d’écouter ses clients, internes ou externes, pour chercher à répondre à un besoin, et non pas à se dire j’ai de la donnée à disposition, je vais aller forer dedans, je vais trouver un truc extraordinaire… On doit adresser un usage, on doit connaître nos clients, savoir ce qu’ils font, s’ils viennent de la banque, de l’assurance. Je vais aller chercher à adresser des besoins métiers, je vais chercher à anticiper ces besoins en écoutant les clients. »
  • Communiquer, communiquer, communiquer : « 50% de mon temps, je le consacre à m’occuper de communication autour du projet. On parle beaucoup de données, mais c’est d’abord un projet humain avec des personnes qui ont besoin de savoir ce qu’on fait, pourquoi on le fait, comment on le fait, pour qui on le fait à partir d’une stratégie et d’une vision. »
  • Des équipes pluridisciplinaires : « Il faut intégrer des profils data dès les prémices d’un projet ; ça fera gagner du temps à tout le monde ! C’est beaucoup d’être humain, de la documentation et une notion assez proche de l’équipe d’équipe ; c’est ça le secret d’un beau projet data. »

Et pour finir, dans 5 ans qu’est-ce que sera devenu votre job actuel ?

  • Un CDO orienté business : « L’activité va se transformer, on va davantage collaborer avec nos commerciaux pour définir telle API, tel modèle de Machine Learning… On est beaucoup plus orienté business ; tout va dépendre de la maturité des entreprises, mais dans 5 ans on trouvera des entreprises qui ont une énorme maturité data et notre rôle sera d’être davantage Chief revenue officer que celui de CDO. Dans le même temps, la notion de data by design au sens gouvernance du terme sera instaurée dans les process métiers au niveau des projets, donc le rôle va encore plus évoluer vers une dimension business. »
  • Un CDO vigie : « On est dans une période où on est en train de poser la gouvernance data; Dans 5 ans, ces entreprises auront une gouvernance qui sera en place, le rôle du CDO sera de contrôler les usages data, d’assurer une prise en compte des nouvelles contraintes réglementaires avec celles de l’usage de l’IA.  Le CDO, ce sera une vigie qui devra regarder tout ce qui est fait sur la data, quel revenu, quelle efficience, quels coûts, quelles orientations technologiques prendre et ainsi permettre de toujours générer plus de valeur et assurer la mise en œuvre de toutes les nouvelles réglementations. » .
  • Un CDO acteur de la transformation des organisations : « On va voir émerger aussi tout ce qu’on appelle la transformation data, on est en plein dans l’innovation, et c’est nous qui sommes au plus proche de cette connaissance de la data pour dire si on croise telle donnée avec celle-ci, qu’on entraîne une IA pour arriver sur telle chose on pourrait développer un produit sympa pour répondre à des sujets qui n’existent pas encore, mais qui seront peut-être une évidence dans 6 mois. On n’est pas là juste pour rendre service, on n’est pas là juste pour apporter une réponse technique à une demande métier qui a été formulée dans un temps imparti, comme c’était le cas dans l’ancien monde, avec un chef de projet qui va donner des ordres aux développeurs. On est organisé en équipes agiles avec un Product Owner qui a pour responsabilité de développer un produit avec des fonctionnalités intelligentes qui répondent à des besoins qui existent, ce qui demande une grande veille. »
  • Un CDO stratège : « Il faut poser un cadre sur comment on construit un projet data avec toute la phase d’idéation, de screening, le Go / No Go, à quel niveau il se situe, pour passer d’une étape à une autre. A partir du moment où le terrain de jeu est défini, ça permet à toute la communauté de bien se positionner et c’est aussi en portant le message de la data au niveau du comex et du directoire. On crée chaque projet data dans le cadre du plan stratégique ; un projet data qui n’est pas aligné avec le plan stratégique va rester dans le backlog au stade d’idée, mais je ne mettrai pas 1€ dessus ! »

Merci encore à Toucan Toco pour l’organisation de cette table ronde et à tous les intervenants pour la qualité des échanges !

Le replay est disponible ici

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